Synthèse du Colloque de Citoyennage Ile de France 2023

26ème Colloque Citoyennage Ile-de-France

Du 4 au 7 juillet 2023 à la Ferme de Courcimont

« Que devient notre rapport au monde avec l’avancée en âge ? »

 

En avançant en âge, nous restons pleinement citoyens. Il n’est pas question d’y renoncer ! Nous continuons d’être concernés par ce qui se passe autour de nous et voulons continuer à donner notre avis. Mais il est vrai aussi qu’il n’est pas toujours facile de rester intégrés dans cette société, à nos âges. Nous sommes confrontés à différents obstacles qui peuvent nous conduire à l’exclusion.

En premier lieu, en vieillissant nous pouvons rencontrer des difficultés à voir, à entendre ou à marcher. Sans compensation, cela peut aisément limiter nos interactions avec notre environnement.

Il devient plus difficile pour nous de prendre les transports en commun. Ceux-ci sont peu accessibles et ne prennent pas en compte nos fragilités lorsqu’ils démarrent trop rapidement. Les navettes mises en place par certaines municipalités, sont trop peu fréquentes et prendre un taxi revient bien trop cher. Nos déplacements dans la ville se trouvent largement restreints, lorsque nous n‘y renonçons pas complètement par sentiment d’insécurité et découragement.

Les trottoirs et les lieux publics sont peu adaptés aux personnes avec des handicaps. On supprime même de plus en plus les bancs qui nous permettaient de faire des pauses lors de nos déplacements, mais aussi aux amoureux de se bécoter…

Tout cela limite malheureusement notre accès à la culture et notre intégration sociale. Nos handicaps ne sont pas suffisamment compensés. Que l’on vive en établissement ou à domicile, il faudrait plus d’aides financières et humaines pour sortir davantage et rester réellement intégrés. On a le droit au taxi conventionné pour aller à une consultation médicale, mais pas d’aide possible pour aller au théâtre… En établissement, le nombre de sorties est trop limité faute de personnel suffisant. Nous pouvons alors nous sentir isolés, coupés du monde. D’autant que nous sommes souvent mal informés sur les aides possibles.

Dans cette société où tout va trop vite, on n’est parfois plus dans la course, on se sent mis de côté. Le risque de renoncement et de repli sur soi est alors fort. Mais ce pas de côté nous permet aussi d’avoir plus de recul, d’observer les choses, de prendre le temps. Nous revendiquons un droit à la lenteur et sa prise en compte. Nous avons besoin de plus de temps pour nos déplacements, mais aussi pour nos échanges, pour la vie en général. Notre société dans son ensemble gagnerait d’ailleurs sans doute à se donner le temps.

Les nouvelles technologies et ce qu’on appelle la fracture numérique peuvent également nous marginaliser. Aujourd’hui tout se fait par internet. Les services publics ne sont plus « tout public ». Il faut former davantage les personnes âgées à l’usage de l’informatique, comme on forme les jeunes.

Les téléphones portables et les réseaux sociaux peuvent servir à maintenir les liens, mais ils peuvent aussi se révéler réducteurs et appauvrir les contacts humains.

On nous parle de plus en plus d’intelligence artificielle. Plutôt que chercher à « humaniser » les robots, il faudrait former et embaucher plus d’êtres humains. Certains logiciels à la mode réduisent même les capacités de penser et de créer.

Dans la société d’aujourd’hui, les personnes âgées n’attirent pas et ne sont pas une priorité. Nous nous sentons parfois discriminés y compris dans l’accès à certains soins. L’une d’entre nous témoigne qu’à 86 ans, elle s’est vu refuser un test de dépistage du cancer sous prétexte qu’à son âge ce n’était plus la peine… C’est effrayant ! Sommes-nous encore considérés et respectés ?

Notre entourage a trop tendance à nous surprotéger, nous déresponsabiliser et nous infantiliser. Nous ne voulons pas être regardées comme des personnes dépendantes. Nous sommes encore capables ; capables de penser, de décider et d’agir. Nous pouvons toujours être utiles. Dans une société de plus en plus individualiste, nous avons pour notre part une longue expérience de la Citoyenneté et un attachement profond aux valeurs d’entraide et de solidarité. Nous devons tous nous montrer attentionnés et prévenants à l’égard de nos voisins. Il faut garder un intérêt pour les autres et pour le « vivre ensemble ». Les échanges intergénérationnels sont essentiels. Nous avons été choqués par les récentes émeutes. Elles nous révèlent ce à quoi peut conduire une société du chacun pour soi.

Nous devons aussi affirmer notre point de vue, ne pas nous sous-estimer, nous prendre en charge et oser demander. Les instances et espaces de parole dans lesquels nous pouvons agir sont insuffisants. Nous avons le désir de rester présents au monde et influents tant que nous sommes en vie.

Nous devrions être présents dans les Conseils Départementaux de la Citoyenneté et de l’Autonomie (CDCA) et dans les Conférences Régionales de la Santé et de l’Autonomie (CRSA). Ce sont des instances que nous connaissons mal. Pourtant, il s’y prend des décisions qui nous concernent et qui ne devraient pas être prises sans nous.

 

Pour conclure, avec l’avancée en âge, notre rapport au monde se modifie forcément. Nous devons accepter la baisse de certaines capacités et utiliser celles qui nous restent pour vivre pleinement. Nous voulons rester présents au monde, en lien avec les autres, garder le désir et le plaisir de vivre. Continuer de rire, chanter, danser, apprendre, transmettre, aimer…

 

 

Texte élaboré à partir des travaux de : la Résidence de l’Abbaye à Saint Maur, la Résidence des Bords de Marne à Bonneuil sur Marne, la Résidence La Cité Verte à Sucy en Brie, la Résidence La Cristolienne à Créteil, la Résidence Geneviève de Gaulle à Villebon, la Résidence Geneviève Laroque à Morangis, la Résidence Jean Sarran à Dourdan, la Résidence Louise de Vilmorin à Draveil,  la Résidence des Myosotis à Longjumeau, la Résidence Pierre Tabanou à l’Haÿ les Roses, la Résidence La Seigneurie à Pantin, la Résidence Soleil d’Automne à Fresnes et les participants accompagnés à domicile (Val de Marne et Essonne).

Ont participé à la rédaction de la synthèse : M. Abérard, Mme Hartvig, Mme Montagnier, Mme Pattein, Mme Perissuti, Mme Richard, Mme Steelandt, Mme Thomas, M. Wender.

 


ANNEXE

La synthèse Citoyennage permet de rendre compte de nos échanges et idées au sein du colloque régional Ile de France. Pour aller plus loin, nous avons rassemblé les différentes propositions concrètes. Cette liste n’est pas exhaustive : n’hésitez pas à travailler au sein des comités de vos établissements et services au retour du colloque, d’autres propositions « in situ » pourraient émerger !

Nous sommes preneurs de tous les retours d’expérience sur ce qui pourrait avoir été mis en place suite au colloque : parlez-en lors de la prochaine rencontre ou par mail (voir page CONTACT du site !)

 

PROPOSITIONS CONCRETES ISSUES DE LA SYNTHESE :

Partout, tout le temps :

  • Prendre en compte le droit à la lenteur, ainsi que nos difficultés sensorielles ou motrices,
  • Préserver notre pouvoir d’agir au lieu de nous déresponsabiliser,
  • Ne pas se sous-estimer quand on avance en âge et oser demander

Au niveau des établissements et services qui nous accompagnent :

  • Développer les instances et les espaces de paroles et de décisions,
  • Ne pas entraver les gestes d’entraide et de solidarité entre nous,
  • Nous former davantage à l’usage de l’informatique,
  • Développer les sorties extérieures quotidiennes, culturelles et de loisirs,

Au niveau local, départemental, régional ou national :

  • Nous intégrer dans les CDCA et CRSA,
  • Améliorer l’information concernant les aides dont nous pouvons bénéficier,
  • Former et embaucher plus de personnel plutôt que de financer l’achat de robots,
  • Ne pas limiter l’accès aux soins en fonction de l’âge,
  • Prendre en compte nos difficultés sensorielles ou motrices dans les interactions et nos déplacements, les compenser par des aides matérielles mais surtout humaines,
  • Développer des aides financières et les accompagnements pour faciliter les sorties extérieures quotidiennes, culturelles et de loisirs,
  • Développer des moyens de transports adaptés et suffisamment réguliers,
  • Rendre vraiment accessibles les espaces urbains (trottoirs, lieux publics…) aux personnes à mobilité réduite,
  • Nous former davantage à l’usage de l’informatique,
  • Installer ou remettre des bancs dans les espaces publics, qui permettent de faire des pauses et favorisent la convivialité et les rencontres,

 

… Liste non exhaustive : n’hésitez pas à travailler d’autres propositions complémentaires !