Synthèse du Colloque de Citoyennage Ile de France 2022

25ème Colloque Citoyennage Ile De France

Du 5 au 7 juillet 2022 à la Ferme de Courcimont

« Cultiver la bienveillance, les liens et le dialogue pour faire face à cette époque troublée »

 

Nous vivons une époque troublée. Le Covid a entraîné une absence de toucher et de contacts. Les liens ont été mis à rude épreuve… Par ailleurs, nous avons reçu et continuons de recevoir beaucoup d’injonctions gouvernementales par rapport à la pandémie, difficiles à suivre. Encore aujourd’hui, nous avons parfois du mal à en saisir le sens.

Les personnels doivent en faire toujours plus avec de moins en moins de temps, ce qui constitue une forme de maltraitance : les budgets sont mal pensés par des décideurs loin du terrain. Partout, on manque de personnel. Mal reconnus, mal payés, ils sont de plus en plus rares à vouloir s’engager et nous en payons le prix au quotidien : instabilité, absences, roulements… Nous nous sentons oubliés des politiques. Où est passée la loi Grand Âge ?

De plus, les scandales dans différentes maisons de retraite nous ont tous frappé de plein fouet. Il ne faut pas généraliser : les maisons de retraite ne sont pas des mouroirs !

Depuis quelques mois, la guerre qui sévit en Ukraine nous rappelle aussi des vécus douloureux, elle ravive les souvenirs de la Deuxième Guerre Mondiale. Tuer, massacrer, ce n’est pas acceptable ! Quelle période cauchemardesque ! Les réfugiés ont besoin de notre compassion et de notre solidarité. Le gouvernement ne se positionne pas clairement, ce sont les citoyens qui s’engagent et agissent. Il y a de quoi être inquiet, angoissé et même en colère !

Nous constatons que l’inflation et le chômage gagnent du terrain. Nous souffrons des conséquences de la mondialisation. Le climat se dérègle, une catastrophe écologique est en cours. Que se passera-t-il pour les générations futures ? Les chaînes d’information en continu qui tournent en boucle ne contribuent pas à nous soutenir, individuellement comme collectivement. Il y est dépeint un monde bien torturé.

Face aux violences dont nous sommes témoins aujourd’hui, il est urgent de promouvoir une éducation sur ce point dès le plus jeune âge. En même temps, quand on voit des jeunes se faire tutoyer par les policiers, on peut s’inquiéter. Tutoyer, c’est une prise de pouvoir. Pourtant, tout le monde mérite le respect. Même les personnes âgées ! Il faut arrêter de dire à tout le monde de rester jeune. Nous avons plus d’expérience, il ne faut pas nous mettre à l’écart. Nous avons notre place, même en politique ! Nous sommes déçus des politiciens d’aujourd’hui qui se tirent dans les pattes, et qui ne nous prennent pas en considération. Cela se traduit par de forts taux d’abstention aux différents scrutins, alors même que nous croyons à l’importance du vote et de l’expression. La lassitude a gagné le peuple.

Tout va trop vite. On peut se laisser envahir par le sentiment d’impuissance et la désillusion. Mais il ne faut pas s’enfermer dans la plainte et le désespoir. Les périodes de crise peuvent aussi faire avancer la société, créer du dialogue, des espoirs et des avancées.

Le contact humain et les échanges sont essentiels dans une époque troublée comme la nôtre.

Dialoguer, c’est reconnaître l’existence de l’autre comme un égal de soi-même. C’est un instrument au service de la paix, de l’entente. Il faut prendre le temps de l’écoute, oser la rencontre. Cette disponibilité n’est pas toujours évidente, et aller vers l’autre ne va pas de soi. Cela nécessite d’aller au-delà de ses peurs, des craintes d’être jugé, de ses difficultés éventuelles d’expression. Il faut assumer et accepter les différences et les fragilités. On manque parfois de confiance en soi.

Le dialogue est toujours à construire si l’on veut éviter un « dialogue de sourds ». Pourtant, il ne s’agit pas d’être d’emblée d’accord, dialoguer à partir de points de vue différents est d’autant plus important et utile. C’est dans ces cas-là que c’est le plus enrichissant, que l’on apprend de l’autre, qu’on change finalement parfois d’avis ou qu’on trouve une solution de compromis. « Vous avez raison, et je n’ai pas tort »

Le dialogue avec l’autre nous apprend aussi beaucoup sur nous-même, à condition qu’il soit sincère et bienveillant. A l’inverse, les ragots tuent. De même, passer son temps à se plaindre ou se lamenter ne permet pas d’avancer, cela nous abaisse et détruit notre moral.

Il est important de cultiver une attitude positive. Il faut « vaincre la tristesse » par le rire, la chanson, l’humour, la foi pour certains. Nous devons cultiver le positif : saisir un rayon de soleil et s’émerveiller de la pluie sur l’herbe.

Le dialogue doit aussi être constructif, et dans nos établissements il peut être développé à travers différentes instances. Les Conseils de la Vie Sociale, les Conseils des Résidents ou les autres comités, le dialogue direct avec les responsables, favorisent la liberté d’expression et la démocratie participative.

Citoyennage peut contribuer à améliorer l’accompagnement dans notre pays à travers ses contacts avec l’Etat et les élus. C’est ainsi, tous ensemble, qu’on peut construire les conditions d’une vie quotidienne de qualité. Comme chantait Colette Renard : « Le bonheur, ça se construit, le bonheur ça se fabrique, cœur à cœur et brique à brique, comme on bâtit sa maison ».

Il nous faut souligner le bonheur d’une rencontre, les plaisirs de la compagnie, l’intérêt de la conversation. Les échanges réjouissent le cœur, éclairent et ouvrent des voies. Malheureusement, cela n’est pas accessible à tous, notamment lorsqu’on vit seul chez soi, et que l’isolement s’impose.

Les liens avec les professionnels sont extrêmement importants, que l’on soit en établissement ou à domicile. Les relations doivent être humaines, joyeuses et soutenantes, profondes et complices.

Créer du lien dépend de l’implication de chacun, les gestes simples sont à la portée de tous. Aujourd’hui, malgré la multiplication des moyens de communication, on a de moins en moins de contacts réels. Et même au sein des établissements, les liens entre résidents ne sont pas toujours faciles à établir : nous avons du mal à aller les uns chez les autres. Les sorties et activités peuvent alors favoriser les rencontres. Lorsqu’on arrive en résidence, on est souvent impressionné, inquiet. Les autres résidents peuvent apporter réassurance, soutien, et entraide. Il faut faire vivre les comités d’accueil !

Au-delà de nos établissements, il nous faut développer l’ouverture sur le monde, les liens inter-résidences et avec ceux qui vivent à domicile. Nos colloques Citoyennage s’emploient justement à construire des liens ! Afin de mieux vivre ensemble, il nous faut fonder ces liens sur la bienveillance.

 

La bienveillance commence par la politesse, le respect des autres et de soi-même. On peut la retrouver dans l’amour, l’amitié, la solidarité… Dans un monde où la fraternité peut être mise à mal, cultivons ce regard tourné vers l’autre. La bienveillance, c’est « veiller bien », être vigilant et attentif. Cela peut s’illustrer par un geste, un sourire et cela fait du bien aux autres, comme à soi-même.

Pour mettre en œuvre cette bienveillance, il est nécessaire de pouvoir être disponible, se donner le temps. Mais encore faut-il en avoir ! Le personnel qui nous accompagne n’est malheureusement pas en nombre suffisant. Partout, les professionnels se trouvent confrontés à des problèmes d’organisation et de planning que nous subissons. Il est urgent que l’Etat se montre lui-même bienveillant en octroyant des budgets à la hauteur de nos besoins. Il se devrait de veiller à l’égalité dans l’accès aux soins et aux moyens qui leur correspondent. Nous sommes prêts à venir réclamer le respect des devoirs du gouvernement dans la rue s’il le faut.

Nous nous interrogeons sur le passage de la retraite à 65 ans alors que des personnes dès 55 ans se retrouvent au chômage et ont des difficultés à retrouver un emploi compte tenu de leur âge. Pour que notre société tende vers la bienveillance, il nous faut plus de justice.

Attention aux excès de bienveillance ! Les attitudes surprotectrices nous infantilisent. Nous nous sentons alors inutiles, privés de notre pouvoir de décision. Nous découvrons même parfois que nos proches sont informés avant nous de nos rendez-vous, activités ou sorties. Nous ne souhaitons pas que l’on agisse en notre nom, qu’il s’agisse de nos familles ou des professionnels !

Il faut prendre garde à ne pas nous empêcher de sortir librement. Nous avons besoin au contraire d’être aidés pour rester libres : plus de personnel pour nous accompagner, plus d’aides techniques pour nous soutenir comme les fauteuils roulants électriques ou encore les systèmes de géolocalisation pour ne plus avoir peur de se perdre.

Nous avons nous aussi à être attentifs aux uns et aux autres, à développer la tolérance et l’empathie. Nous attendons dans nos relations avec le personnel une juste proximité, entre chaleur humaine et respect de l’intimité.

Parfois nous ne savons ni comment agir ni comment aider les personnes désorientées, au risque qu’elles se sentent mises à l’écart et perdent leur humanité. Nous souhaitons bénéficier de formations spécifiques pour mieux les comprendre et faciliter les liens.

Comme disait Lamartine, « quand l’amitié n’a plus d’autre langage, la main aide le cœur et lui rend témoignage. »

 

En conclusion, ce colloque nous a permis de développer une créativité collective et proposer plusieurs pistes et actions concrètes à mettre en place dès que possible :

  • Agir concrètement dans nos établissements par exemple pour les réfugiés ukrainiens en organisant des collectes et des dons
  • Faire des clips « positive attitude » pour créer du lien et prendre le contrepied des images des médias et lutter contre l’âgisme
  • Développer les comités d’accueil
  • Rendre accessible les nouvelles technologies en nous proposant des formations adaptées
  • Développer l’information et l’accès aux fauteuils roulants électriques, GPS, …
  • Continuer à construire des ponts entre domicile et résidences par des activités et sorties partagées
  • Nous proposer des formations sur les troubles des personnes désorientées
  • Réduire le gaspillage et développer le tri sélectif en travaillant avec les professionnels

 

Texte élaboré à partir des travaux de : la Résidence des Myosotis à Longjumeau, la Résidence la Pie Voleuse à Palaiseau, la Résidence des Bords de Marne à Bonneuil sur Marne, la Résidence Geneviève Laroque à Morangis, la Résidence Geneviève de Gaulle à Villebon, la Résidence Louise de Vilmorin à Draveil, la Résidence de l’Abbaye à Saint Maur, les participants du domicile (Val de Marne), la Résidence La Cristolienne à Créteil, la Seigneurie à Pantin, la Résidence La Cité Verte à Sucy en Brie, la Résidence Jean Sarran à Dourdan, la Résidence Louise Michel à Courcouronnes, la Résidence Soleil d’Automne à Fresnes, les Résidences Pays de France Carnelle à Viarmes et Luzarches, la Résidence et la Résidence autonomie Pierre Tabanou à l’Haÿ les Roses ; et avec la participation de la Résidence Le Grand Mont du Controis (41), la Résidence La Bonne Eure à Bracieux (41), la Résidence La Favorite à Cour Cheverny (41)

Ont participé à la rédaction de la synthèse : M. Aberard, Mme Dorliac, Mme Montagnier, M. Mort, Mme Pattein, M. Potin, Mme Ricci, M. Wender