24ème Colloque Citoyennage Ile De France
21 au 24 juin 2021 au Domaine de Mont-Evray
« Désir de liberté, désir de vivre »
La crise sanitaire nous a plongés dans une situation particulièrement pénible. Nous avons été isolés, confinés, « enfermés » alors que nous n’étions ni malades, ni fautifs.
Nous avons été privés de nos libertés fondamentales, plus encore que le reste de la population. Cet isolement, nous l’avons subi parce qu’il fallait nous protéger d’une menace. En comprendre le sens ne nous a pas empêchés d’avoir à vivre une épreuve de patience. D’autant que les informations matraquées par les médias ont créé et entretenu un climat de peur.
En temps de crise, nous comprenons que la sécurité soit nécessaire, mais nous avons vécu un sentiment de solitude, voire d’abandon, en établissement comme à domicile.
Beaucoup d’entre nous se sont sentis emprisonnés. En établissement, il a fallu revendiquer le droit de faire des promenades. Nos visites, enfin autorisées, se sont déroulées dans des formes de « parloir ».
Nous avons dû apprendre à nous évader : écrire, dessiner, peindre, lire, écouter de la musique… cultiver notre liberté intérieure, nos propres ressources.
Le téléphone, les appels vidéo nous ont aidés à vivre, à limiter l’isolement relationnel, mais ce n’est qu’un palliatif de présence. Celle-ci passe d’abord par le contact et la chaleur humaine.
La distanciation sociale a donné un climat plus froid à nos relations, plus lointain, moins spontané. Rien ne remplace la rencontre.
Certains d’entre nous n’ont pas pu voir leurs enfants, petits-enfants, les derniers nés dans la famille. On nous a volé nos derniers plaisirs !
Nous avons réussi à avoir de la distraction. Mais nous avons souffert d’être à ce point isolés, ignorés, au risque de mourir d’enfermement, de mourir d’ennui.
La présence du personnel a été encore plus importante que d’habitude.
En résidence comme à domicile, leur passage était parfois le seul contact que nous avions dans la journée. Le personnel est un pilier dans notre quotidien. Nous tissons des liens forts avec eux, nous nous accompagnons les uns les autres.
Ils font de leur mieux, mais nous constatons qu’ils aimeraient pouvoir accorder plus de temps à chacun. Il faut donc davantage de soignants et les rémunérer à la hauteur de la qualité de leur accompagnement, qui n’est pas seulement technique mais aussi moral.
Nos libertés ont été malmenées. Cette période difficile nous a fait vivre beaucoup de contraintes, de manques et de restrictions. Elle nous a aussi permis de redécouvrir l’importance d’être libres.
La liberté se décline de différentes manières. La liberté d’aller et venir est essentielle. La liberté d’expression doit toujours être préservée. C’est d’ailleurs l’objectif de notre association Citoyennage. La liberté de penser est inaliénable.
La liberté n’est toutefois jamais totale. Penser cela serait une illusion. Elle est toujours plus ou moins « encadrée », de manière à permettre de vivre ensemble.
Les règles sont nécessaires, en temps de crise comme dans le quotidien. Elles doivent cependant être adaptées, souples et
prises en concertation avec les personnes concernées. C’est cela qui les rend acceptables.
Dans les cas contraires, nous devons garder notre capacité de nous indigner, nous exprimer, nous révolter. Il ne s’agit pas de décider pour nous, de tout organiser « pour notre bien ». Nous voulons continuer de choisir pour nous-mêmes, quitte à prendre quelques risques.
Aujourd’hui, il est temps de sortir de la crise. Nous en avons ras-le-bol des restrictions. Nous devons nous tourner vers autre chose, retrouver une vie normale.
Etre libre reste un combat de tous les jours. Les contraintes ne sont acceptables qu’à condition d’être comprises, et qu’elles s’inscrivent dans un engagement réciproque.
En vieillissant, nous pouvons être confrontés à la maladie ou au handicap. Nous pouvons alors nous sentir limités dans nos capacités d’agir et de vivre nos libertés. C’est le fait de compenser nos difficultés qui nous permet de continuer à nous sentir libres.
En établissement comme à domicile, cela nécessite un personnel en nombre suffisant et bien formé. Il nous faut aussi des moyens financiers pour pouvoir sortir, avoir une vie sociale et vivre pleinement. Nous attendons une grande loi sur l’autonomie qui prenne bien cela en considération.
Rester libre malgré la perte d’autonomie nécessite solidarité et entraide. Cela demande également une volonté personnelle et une acceptation de la situation. Il ne faut pas en avoir honte.
La liberté, ce n’est pas pouvoir faire tout ce qu’on voudrait, mais faire tout ce qu’on peut. Et il reste toujours beaucoup de choses que l’on peut faire.
La liberté, c’est aussi une question de droits et de devoirs. Ce n’est pas seulement une notion individuelle. C’est une question de responsabilité collective. La vaccination suscite d’ailleurs beaucoup de débats sur ce point.
Après cette période de crise que nous avons traversée et malgré les épreuves et les pertes, il nous faut réinvestir la vie et les autres.
Nous désirons retrouver la vie d’avant, et même mieux…
Il ne s’agit pas seulement d’un désir, mais d’une volonté forte. Nous avons besoin de retrouver les petits bonheurs du quotidien, de créer des occasions de renouer avec la convivialité, avec les sorties, y compris le soir.
Vieillir n’empêche pas de rester libre et vivant.
Nous avons besoin de ces retrouvailles : créer des relations entre personnes du même âge, mais aussi rencontrer et vivre au contact des autres générations. Une société solidaire et libre est une société où le brassage entre générations s’opère.
Les liens avec les professionnels sont très importants pour nous. Nous avons besoin d’un personnel stable que nous connaissons bien pour construire une relation de confiance et de qualité.
Le personnel n’est pas interchangeable. Il faut aussi plus de personnel pour mieux s’ajuster à nos désirs.
Avec l’avancée en âge, le partage prend davantage d’importance. Ce n’est pas toujours facile d’aller vers l’autre, mais à travers l’entraide et la main tendue, on ne laisse personne de côté.
Il ne faut pas non plus se laisser faire et savoir aussi dire non. On apprécie la vie d’autant plus qu’on en connaît la valeur en avançant en âge. On peut aller au-delà des préjugés liés à l’âge, oser, prendre un rôle et réaliser des choses qui sortent des conventions sociales.
A domicile, nous avons besoin de plus de contacts et d’une vie sociale plus riche. Participer aux activités et sorties proposées par les établissements peut correspondre à nos attentes et nos besoins en termes de vie sociale et culturelle. Il faut développer les liens, l’ouverture de part et d’autre.
La culture est un grand espace de partage. Nous en avons besoin pour renouer avec notre créativité et nos rêves.
L’expérience de la crise sanitaire nous a révélé combien il est important de cultiver la fraternité et le lien social.
Nous avons envie de vivre, mais pas dans n’importe quelles conditions. Celles-ci doivent évoluer, s’améliorer. Nous devons ensemble réinventer l’avenir.
C’est le moment de formuler ce que nous désirons.
Texte élaboré à partir des travaux de : la Résidence des Bords de Marne à Bonneuil sur Marne, la Résidence Geneviève Laroque à Morangis, la Résidence Geneviève de Gaulle à Villebon, la Résidence de l’Abbaye à Saint Maur, les participants du domicile (Val de Marne), la Résidence La Cristolienne à Créteil, la Résidence des Quatre Saisons à Bagnolet, la Résidence La Cité Verte à Sucy en Brie, la Résidence Soleil d’Automne à Fresnes, les Résidences Pays de France Carnelle à Viarmes et Luzarches, la Résidence et la Résidence autonomie Pierre Tabanou à l’Haÿ les Roses ; et avec la participation de la Résidence Le Grand Mont du Controis (41), la Résidence La Bonne Eure à Bracieux (41), la Résidence La Favorite à Cour Cheverny (41)
Ont participé à la rédaction de la synthèse : Mme Galland, M. Gerfault, M. Huzar, Mme Lévy, M. Massault, Mme Montagnier, M. Mort, Mme Pattein, M. Wender