Synthèse du Colloque de Citoyennage Ile de France 2019

Du 25 au 27 juin, les résidents d’île de France se sont retrouvés à Nouan le Fuzelier en Sologne afin d’échanger sur le thème suivant :

« Rester acteur de sa vie, dans une société qui n’oublierait personne »

Les vieux d’autrefois vivaient au cœur de la famille.  Aujourd’hui, il nous faut construire un nouveau mode de vie en établissement ou à domicile qui préserve notre place au cœur de la société.

Ce n’est pas parce que l’on a besoin d’aide que cela doit signifier la fin de notre vie sociale. Nous ne sommes pas des malades.

Nous devons être attendus et entendus, considérés comme des citoyens.

Il faut rester soi-même, en étant attentif aux autres ; être reconnu et accepté tel que l’on est. Nous devons aussi nous adapter.

Être acteur, c’est rester volontaire : vouloir c’est pouvoir. C’est pouvoir régner sur sa vie, décider de son propre projet. Il s’agit de faire ce que l’on veut dans la mesure de nos possibilités, en n’oubliant pas que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.

On nous dit souvent que nous sommes chez nous en établissement, mais pour se sentir chez soi, il ne faut pas trop de contraintes. Le rythme de chacun doit être respecté. Les horaires doivent rester souples.

Les interprétations étroites du règlement peuvent entraver notre liberté. Pourquoi interdire d’aider les autres ? Cela devrait être au contraire encouragé.

Être acteur c’est aussi continuer à s’engager : nous pouvons faire du bénévolat, créer des associations de résidents pour financer des activités et des voyages, comme cela se fait déjà dans certains établissements.

Puisqu’être acteur c’est décider pour soi, nous pourrions aussi participer au recrutement des personnels soignants, comme cela se fait déjà dans certains endroits. Être présent auprès du personnel recruteur serait une manière de montrer au candidat qu’il s’agit bien d’être au service de l’usager. Ce dernier serait le mieux placé pour sentir si le candidat a les qualités requises pour comprendre ses besoins et répondre à ses attentes.

En même temps, rester acteur n’est possible que lorsqu’on bénéficie de suffisamment de personnel pour pallier à nos difficultés. Celles-ci doivent être reconnues et compensées. Personne n’est complètement indépendant. On a toujours besoin de quelqu’un, quel que soit l’âge ou l’état de santé.

Jusqu’à maintenant, le financement n’a pas été pensé et prévu pour nous accueillir. Nous sommes de plus en plus nombreux. Rester acteur de sa vie a un coût qu’il faut savoir reconnaître.

Nombreux sont ceux qui souffrent d’une difficulté d’accès à des services ou moyens essentiels. L’aide dont nous avons besoin est très chère, à domicile comme en établissement, y compris pour les classes moyennes qui sont souvent pénalisées. Nous ne nous en sortirions pas sans les aides disponibles : APA, Aide Sociale, Allocation Compensatoire… Il ne faudrait surtout pas les diminuer. Mais il faudrait aussi trouver une forme de justice financière. Nous proposons d’indexer le prix des loyers des résidences sur les revenus, comme dans les foyers logement.

Nous avons également besoin de moyens humains. Il est indispensable et urgent d’augmenter le nombre de personnel. Nous sommes affectés par le manque de soignants qui se retrouvent pressés, fatigués, et n’ont pas les moyens de travailler correctement.

Les métiers de l’aide à la personne attirent peu, pourtant il y a beaucoup de chômage. Il est vrai que les salaires sont bas et les horaires contraignants. Nous pensons aussi que ces métiers sont mal connus. Les professionnels qui nous entourent sont généralement dévoués et engagés, mais nous estimons qu’ils ne sont pas suffisamment reconnus. Il faut valoriser ces métiers financièrement et les rendre attractifs, afin de donner envie aux personnes de venir, et de rester.

Les personnels sont plus que des professionnels : ils sont notre entourage quotidien. La qualité de nos relations est donc essentielle. Mais communiquer est parfois très compliqué.

Il faut réussir à parler le même langage, en étant à l’écoute les uns des autres, en comprenant ce que ressent l’autre. Mais ce n’est pas évident. Le vocabulaire n’est pas toujours adapté et les malentendus sont nombreux.

Lorsqu’on demande de l’aide et qu’on nous répond « attendez ! » ou « vous n’êtes pas tout seul », on ne se sent ni entendu, ni soutenu. Lorsqu’on nous emmène en fauteuil roulant en arrivant par derrière, sans nous prévenir, sans se présenter, comment peut-on se sentir ? À l’inverse, lorsqu’on s’arrête pour nous parler et qu’on s’accroupit à notre hauteur, nous nous sentons reconnus comme être humain.

De notre côté, il est préférable d’exprimer nos souhaits plutôt que d’exiger. Chacun doit montrer de la retenue, de l’amabilité et de l’attention, pour éviter les maladresses et ne pas blesser l’autre. La communication ne doit pas être un rapport de force, mais une discussion, une négociation. Elle doit être mutuellement respectueuse, et même solidaire. Il ne faut pas opposer les soignants et les usagers mais considérer que c’est ensemble, les uns avec les autres, que nous pouvons trouver des solutions aux problèmes rencontrés. Les professionnels doivent comprendre que céder à notre demande n’est pas une faiblesse de leur part.

La formation à l’écoute est alors primordiale. Mais nous pourrions nous aussi en profiter. Pourquoi ne pas organiser des formations communes aux personnes âgées et aux professionnels sur la communication ? Nous pourrions aussi être formés à mieux communiquer entre résidents ou alors nous retrouver lors de groupes de réflexion pour partager ensemble nos pistes et solutions.

Aujourd’hui, les échanges passent aussi par les nouvelles technologies : les courriers électroniques, Whatsapp… Il est important que nous soyons formés et aidés pour utiliser ces nouveaux outils et communiquer avec nos proches.

Enfin, être acteur dans la société, c’est aussi continuer à avoir une vie extérieure.

A domicile, nous nous sentons souvent seul. En résidence, même s’il y a plus de vie sociale, nous pouvons sentir une rupture avec la vie d’avant.

Sortir est un plaisir qui devient compliqué si nous ne sommes pas accompagnés. Mais ce n’est pas parce que c’est difficile que cela doit devenir impossible. Il y a certes quelques sorties organisées, mais elles sont trop rares et toujours en groupe.

L’accessibilité des espaces publics n’est toujours pas suffisante alors qu’elle est si importante. Les trottoirs trop étroits, l’absence de rampe dans certains musées… tout cela ne facilite pas l’accès à la culture qui permet pourtant d’avoir un meilleur moral, de nous ouvrir sur le monde, de nous sentir vivant. Il ne faut surtout pas négliger cette dimension.

Par ailleurs, les résidences pourraient également devenir des lieux de rencontres culturelles et citoyennes pour les personnes de l’extérieur, comme cela avait été fait pour le grand débat national : restaurant partagé, bar ouvert, expositions, résidence d’artistes, théâtre…

Pourquoi ne pas installer, par exemple, des bureaux de vote au sein des résidences ? Il existe certes des procurations, mais cela nous oblige à déléguer, et nous ne sommes alors plus acteur de notre vie.

Il faut, avant tout, éviter de créer une « société du dedans » et une « société du dehors ».

En conclusion, il est urgent de construire ensemble une société qui n’oublierait personne. Nous en sommes tous acteurs.  Nous avons un devoir de mémoire. La société a un devoir d’Humanité. Il faut en finir avec les préjugés aussi bien envers les personnes âgées qu’envers les jeunes. Nous devons nous appuyer sur les acquis du passé pour, ensemble aujourd’hui, construire un futur meilleur pour tous et respectueux de notre planète.

 

Ont participé à la rédaction de cette synthèse : Mme Azan, Mme Baylart, M. Daniel, Mme Gamère, M. Gerfault, Mme Jelinski, Mme Leclainche, Mme Le Merrer, M. Massault, M. Mort, Mme Nahon, Mme Renaud, Mme Richard, Mme Schmitt, Mme Steeland,  avec l’aide de Mme Beauné, Mme Béguin, M. Garcia et M. Vazquez.

Avec la participation de la résidence de l’Abbaye (Saint Maur), de l’Association Joinvillaise d’Aide à Domicile (Joinville le Pont), de l’Association d’Aide à la Personne (ASSAP), de la résidence des Bords de Marne (Bonneuil sur Marne), du Centre de Rencontre des Générations (Nouan le Fuzelier), et des résidences de La Cité Verte (Sucy en Brie), la Cristolienne (Créteil), Geneviève Laroque (Morangis), les Quatre Saisons (Bagnolet) et Soleil d’Automne (Fresnes).